URL

https://www.nature.com/articles/s41591-020-1001-6

Type d’article

Article peer-reviewed

Thème

Stratégies de contrôle Logistique

Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?

Selon les résultats d’une micro-simulation stochastique à base d’agents de l’épidémie de COVID-19 en France, les auteurs étudient l’évolution de la propagation du virus (taux d’incidence, charge des urgences, mortalité) en fonction du confinement, de sa durée, des mesures de distanciation et du port du masque.

Objectifs de l’étude / Questions abordées

Malgré les mesures de protection et de confinement à l’échelle nationale et même en supposant que l’immunité de la population se renforce au cours de l’épidémie, un rebond pourrait se produire une fois que ces mesures seront assouplies, ce qui pourrait entraîner un deuxième ou plusieurs confinements répétés. L’objectif de l’étude est d’évaluer l’impact des différentes mesures post-confinement pour éviter de tels possibles rebonds de l’épidémie. Ces mesures comprennent la distanciation physique, le port du masque et la protection des personnes les plus vulnérables.

Pour les auteurs de cet article et ceux d’autres travaux similaires, les études basées sur des simulations stochastiques multi-agents permettent aux décideurs de définir des mesures adéquates au niveau individuel et sociétal, notamment lorsqu’ils ont une compréhension limitée de la maladie. De telles études permettent aussi aux épidémiologistes de simuler l’évolution de la maladie infectieuse sur une population synthétique réaliste.

Méthode

Les auteurs ont construit un modèle multi-agents stochastique de l’épidémie COVID-19 en France, en cherchant à apporter une importance égale aux données réelles et à la modélisation elle-même. Les modèles conçus pour les maladies infectieuses comprennent trois éléments clés :

  1. Une population synthétique réaliste générée en prenant en compte des caractéristiques démographiques et des modèles de structures familiales représentatives de la population étudiée ;
  2. Un réseau de contacts sociaux entre les individus de la population, en tenant compte de la probabilité et de la durée des groupes et des contacts ;
  3. Un modèle de la maladie.

Le modèle comprend 194 paramètres : 140 pour décrire les caractéristiques de la population française, 33 pour modéliser les contacts sociaux et 21 pour la modélisation du SARS-CoV-2. Les valeurs des paramètres relatifs aux caractéristiques de la population ont été basées sur les données de l’Institut national de la statistique (INSEE) et de Santé Publique France ; 11 des paramètres relatifs aux contacts sociaux sont basés sur des études antérieures et les 22 autres paramètres pour la modélisation des contacts sociaux ont été choisis sur la base d’hypothèses lorsqu’aucune donnée n’était disponible ; les paramètres relatifs aux caractéristiques de la maladie ont été basés sur les données de l’Institut Pasteur et de l’Imperial College, à l’exception de deux paramètres clés inconnus de l’épidémie : le risque de contamination et la proportion de cas COVID-19 non diagnostiqués. Ces paramètres ont été estimés en calibrant le modèle, sur la base de la mortalité quotidienne jusqu’au 15 avril, du nombre cumulé de cas diagnostiqués le 15 avril et de l’hypothèse d’une incidence cumulée (diagnostiqués + non diagnostiqués) de 1 sur 100. L’idée est de reproduire au mieux l’épidémie observée. Les auteurs ont ainsi examiné si le modèle était capable de reproduire rétrospectivement les admissions quotidiennes en soins intensifs du 15 avril, l’occupation des lits des soins intensifs, la mortalité quotidienne et la mortalité cumulée. Ils ont aussi examiné si le modèle était en mesure, en utilisant des données antérieures au 15 avril, de prévoir de manière prospective, quotidiennement du 15 avril au 15 mai, les admissions en soins intensifs, l’occupation et la mortalité des lits en soins intensifs, la mortalité cumulée.

Les auteurs ont mené aussi une analyse de sensibilité lorsque les paramètres du modèle varient significativement. Lors de cette étude de sensibilité, ils n’ont pas constaté de changement significatif dans les résultats et les conclusions qu’on peut en tirer.

Le code source du modèle a été déposé sur https://github.com/henrileleu/covid19. Le code n’est pas documenté.

Résultats principaux

Les résultats de simulation montrent que :
i) Si le confinement permet de contenir la propagation du virus, il est peu probable qu’il empêcherait un rebond une fois levé, quelle qu’en soit sa durée ;
ii) Si la distanciation physique et le port du masque sont efficaces pour ralentir l’épidémie et réduire la mortalité, ces mesures ne suffiraient pas, à elles seules, à éviter une surcharge des unités de soins intensifs et un deuxième confinement. Toutefois, couplées avec la protection des personnes vulnérables, ces mesures conduiraient à de meilleurs résultats, notamment la réduction de la mortalité et le maintien d’une capacité adéquate des unités de soins intensifs. Les bénéfices seraient néanmoins réduits si ces mesures n’étaient pas suffisamment respectées par la population ou si elles n’étaient pas maintenues suffisamment longtemps ;
iii) La distanciation physique et le port du masque pour l’ensemble de la population après le confinement, associés à la protection des personnes vulnérables, pourraient réduire la mortalité et prévenir la nécessité d’un second confinement en France.

Les limitations identifiées par les auteurs sont les suivantes :
a) Comme toutes les études de ce type, cette étude s’appuie sur les connaissances et les hypothèses admises à un instant donné. Il est donc probable que le modèle ne prenne pas en compte tous les éléments à l’origine de la transmission virale.
b) L’étude ne considère pas non plus le cas où certains paramètres pourraient varier après confinement.
c) Les paramètres peuvent avoir été sous-estimés lors du calibrage en raison des patients asymptomatiques non diagnostiqués.

Commentaire / brève évaluation, limites, ouvertures possibles

Il est intéressant de confronter les conclusions de cet article à la réalité que nous vivons et il serait intéressant de les voir commentées par des épidémiologistes. Par exemple, le confinement n’a effectivement pas empêché le rebond de l’épidémie. Assez étonnamment, la conclusion i) ci-dessus précise de plus que la résurgence de l’épidémie se produirait quelle que soit la durée du confinement, ce qui peut paraître contre-intuitif à première vue.