URL
https://doi.org/10.1101/2020.11.28.20239517
Type d’article
Preprint
Thème
Stratégies de contrôle, Économie
Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?
Il est possible de combiner des modèles épidémiologiques et économiques pour étudier les compromis (trade-off) entre nombre de vies épargnées et coût économique des mesures de distanciation sociale. Ces compromis peuvent être non-linéaires en fonction de la durée d’un confinement total ou du taux de respect des mesures, et des optimums se dégagent, potentiellement utiles pour les décideurs politiques.
Objectifs de l’étude / Questions abordées
- Coupler modélisation épidémiologique et modèles économiques pour évaluer la perte économique liée à la baisse d’offre de travail induite par les mesures de distanciation sociale.
- Étudier numériquement les effets des mesures de distanciation sociale sur le compromis entre pertes économiques et pertes humaines, par secteurs et en fonction de différents scénarios.
Méthode
Trois types de modèles sont combinés : modèle individu-centré basé sur un réseau de contacts sociaux ; modèle épidémiologique de type SEIR ; et un Dynamic Inoperability Input-Output Model. Les paramètres du modèle SEIR sont donnés par le “best guess version of COVID-19 Pandemic Planning Scenarios”, provenant de l’équipe “US Centers for Disease Control and Prevention (CDC) SARS-CoV-2 Modeling Team”.
Les données démographiques utilisées sont des données de recensement aux États-Unis (US Census). Les données économiques sont celles de l’agence publique américaine d’analyse économique (US BEA).
Résultats principaux
Si on tient compte du coût économique des interventions cliniques, il y a un optimum entre durée d’un confinement de la population et le taux d’acceptation des mesures de confinement : 70% d’acceptation a déjà un effet suffisant sur la maîtrise de l’épidémie, au-delà de 80% l’effet sur l’épidémie est négligeable au regard de l’impact économique. Les auteurs parlent de notions de “masse critique de travailleurs à la maison”.
Concernant le compromis nombre de vies épargnées / coût économique, les mesures de confinement courtes avec fort taux d’acceptation semblent préférables.
Si la population ne respecte pas les mesures de confinement, en augmentant la durée de celui-ci, on atteint les mêmes résultats en nombre de vies sauvées mais au prix d’un impact économique plus important.
Une prédiction de l’impact économique par secteur est donnée. L’impact semble être plus important sur des secteurs où le coût du travail est plus important (exemple : gouvernement versus bâtiment).
Commentaire / brève évaluation, limites, ouvertures possibles
La construction du modèle est intéressante en soi, même si de nombreuses limitations de modélisation apparaissent. Du point de vue méthodologique, on se demande pourquoi les auteurs ne se basent que sur 25 simulations, ce qui paraît peu au regard de la complexité du modèle. Les conclusions peuvent apparaître un peu décevantes et relativement “intuitives”, mais l’intérêt de l’approche est d’apporter des réponses quantitatives. La prise en compte de l’impact économique par secteur semble relativement rudimentaire, dans la mesure où la spécificité de chaque secteur n’est pas prise en compte (uniquement le coût du travail et le taux de travail télétravaillable). En revanche, des données d’inter-dépendance entre 21 secteurs industriels de la NAICS (North-American Industry Classification System) sont utilisés pour rendre compte des liens entre secteurs industriels.
Parmi les extensions possibles, on peut penser à
i. prendre en compte les activités dites “essentielles” dans le modèle de contact social, qui limite les mesures de confinements aux travailleurs d’activités dites “non-essentielles”, et qui doit avoir un rôle sur les prédictions d’impact économique sur chaque secteur.
ii. La prise en compte de la demande et des prix (limites données par les auteurs) pour compléter le versant économique du modèle (certains secteurs ont eu une activité et des gains augmentés pendant le confinement, compensant largement les pertes uniquement modélisées dans ce travail)
iii. Une analyse plus poussée sur la sociologie/démographie de la population par secteur économique, pour tenir compte des spécificités de chaque secteur.