URL
https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.10.16.20214049v1
Cet article a depuis été publié : https://www.pnas.org/content/118/9/e2019716118.short
Type d’article
Preprint
Thème
Effet des tests et données sérologiques
Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?
L’article présente un modèle stochastique de propagation de la Covid-19 prenant en compte explicitement les variations quotidiennes du nombre de tests RT-PCR et les données sérologiques de la ville de New-York. Le modèle est basé sur une version modifiée du traditionnel modèle SEIR avec ajout d’un compartiment pour les pré-symptomatiques et d’un compartiment pour les asymptomatiques. L’étude du modèle montre que la contribution des pré-symptomatiques et des asymptomatiques à la propagation de l’épidémie est certainement supérieure à 50%.
Objectifs de l’étude / Questions abordées
Cette étude vise à étayer l’importance de la prise en compte des tests RT-PCR et des résultats sérologiques non seulement dans l’évaluation de la force d’infection à a Covid-19 mais aussi dans le traçage des infections symptomatiques par rapport aux asymptomatiques. Elle vise également à estimer l’immunité collective en se basant sur des données sérologiques à New York. L’une des questions majeures est l’existence ou non de corrélation entre l’augmentation des infections et celle des hospitalisations liées à la Covid-19. La question de l’efficacité des mesures de distanciation sociale, du port du masque ainsi que du confinement sur la diminution du taux de transmission a été abordée. Les auteurs s’interrogent également sur la quantification de la part des infections pré-symptomatiques et asymptomatiques sur la force d’infection totale. En effet les interventions au niveau local qui tiennent compte des cas non symptomatiques sont cruciales pour atténuer les pics d’infection. L’identifiabilité des paramètres, en particulier celle du taux de transmission des asymptomatiques, est également abordée par les auteurs car même si les tests RT-PCR massifs peuvent fournir une estimation de la proportion totale de cas asymptomatiques, ils ne peuvent cependant pas indiquer si les individus asymptomatiques peuvent transmettre la maladie et dans quelle mesure ils le peuvent. Ainsi, cette étude propose, pour une meilleure compréhension de la dynamique de transmission de la Covid-19, de prendre en compte de façon explicite les changements quotidiens dans la capacité de dépistage et les résultats sur les données sérologiques afin de cibler les parts asymptomatique et symptomatique des nouveaux cas de Covid-19.
Méthode
Les auteurs ont établi trois versions du modèle calquées sur le traditionnel modèle SEIR. Une première version dénommée SEPIR où le compartiment P représente le compartiment des pré-symptomatiques. Une deuxième version notée SEIAR qui diffère de la première version du fait qu’elle prend en compte les individus asymptomatiques (A) au lieu des pré-symptomatiques. Les auteurs considèrent les asymptomatiques comme les individus qui ne présenteront jamais les symptômes de la Covid-19. De ce fait, ce modèle introduit deux classes d’individus en terme de sensibilité aux symptômes de la Covid-19. La troisième version est une combinaison des deux premières et est dénommée SEPIAR.
Les trois versions proposées prennent en compte une chaîne de m compartiments “exposés”, sous forme d’une distribution Gamma pour introduire le délai entre le début de l’infection et le début des symptômes. Dans ces modèles, les individus symptomatiques sont subdivisés en deux groupes à des fins de traçage du nombre avant et après transition de certains d’entre eux en hospitalisation. Les modèles sont étudiés numériquement grâce à un schéma d’Euler pour la partie déterministe, avec ajout d’une stochasticité démographique. Ainsi, le nombre d’individus en transition sur les compartiments à plusieurs sorties suit une distribution Euler multinomiale et ceux effectuant des transitions d’état à partir de compartiments avec une seule sortie suivent une loi binomiale.
Pour l’estimation de certains paramètres, les auteurs utilisent la méthode du maximum de vraisemblance avec l’algorithme de filtrage itératif MIF (Maximum likelihood by Iterated Filtering) combiné avec la bibliothèque POMP (Partially Observed Markov Process models) du logiciel R. Dans l’étude, l’estimation du taux de reproduction de base, R0, est faite par technique de la matrice de seconde génération.
Les données utilisées proviennent des données publiées par le New-York State Department (cas positifs confirmés) de mars à juin 2020 et un article publié par Stadlbauer et al. (2020) Seroconversion of a city: Longitudinal monitoring of SARS-CoV-2 seroprevalence in new york city, medRxiv (étude sérologique).
Résultats principaux
L’étude met en exergue, d’une part, l’importance de tenir compte, dans les modèles de propagation de la Covid-19, des résultats de tests RT-PCR et sérologiques pour une estimation plus réaliste du taux de reproduction de base, et d’autre part de la contribution des individus pré-symptomatiques et asymptomatiques sur la transmission de la Covid-19. D’après les auteurs, les premiers modèles établis au début de la pandémie à Wuhan ont certainement sous-estimé le R0 en ignorant la transmission due aux personnes pré-symptomatiques et en supposant que la Covid-19 possède la même période d’incubation et la même durée d’infection que le SARS-CoV. Dans ce sens, les auteurs montrent, même dans le cas où le R0 pour les symptomatiques est élevé, que les infections dues aux pré-symptomatiques et asymptomatiques constituent au moins 50% de la force d’infection.
Les modèles proposés sont capables d’estimer la probabilité qu’une infection devienne symptomatique sur la base des résultats sérologiques. Ceci augmente la précision avec laquelle les études de recherche de contacts peuvent estimer la force de la transmission asymptomatique.
Les résultats obtenus dans ce papier montrent deux régimes. Un premier régime où les individus asymptomatiques transmettent à peu près au même taux que ceux symptomatiques. Le taux de reproduction R0 prend alors une valeur entre 3.2 et 4.4 et les asymptomatiques contribuent substantiellement à la force d’infection. Un deuxième régime est caractérisé par une faible transmission des asymptomatiques par rapport aux symptomatiques. Dans ce cas, le R0 des symptomatiques est très élevé par rapport à ce qui est souvent supposé. En effet le R0 appartient à l’intervalle [3.9, 8.1]. Néanmoins, même dans ce régime, les infections pré-symptomatiques et asymptomatiques contribuent à au moins 50% de la force globale de l’infection au pic de l’épidémie.
Dans les deux régimes, les auteurs montrent que les pré-symptomatiques transmettent la maladie au même taux que les symptomatiques. Ils ont également observé que l’imposition des mesures de distanciation sociale et le port du masque ainsi que le confinement contribuent fortement à la diminution du taux de transmission.
Commentaire / brève évaluation, limites, ouvertures possibles
Ce travail de modélisation mathématique sur la Covid-19 réalisé grâce aux données récoltées dans la ville de New York mérite d’être considéré parmi les références bibliographiques dans les futures études. En effet le modèle en lui-même, basé sur une architecture compartimentée de type SEIR, est classique ; par contre, l’idée de distinguer clairement les individus pré-symptomatiques des asymptomatiques et surtout de pouvoir les différencier à l’aide d’intégration de données des tests RT-PCR et sérologiques au modèle semble originale. Les résultats obtenus remettent non seulement en cause l’exactitude des valeurs de R0 pour la ville de New York mais montrent également que la plupart des nouveaux cas de Covid-19 ne deviennent pas symptomatiques. Cet article peut être catalogué dans l’ensemble des études visant à estimer la transmissibilité pendant la phase initiale d’une épidémie en particulier dans l’estimation de la probabilité qu’une infection devienne symptomatique. Cependant il faut noter l’absence d’analyse mathématique sur le caractère bien-posé du modèle, sur sa positivité et son analyse de stabilité.