URL
https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.08.24.20180927v2
Type d’article
Preprint
Thème
Autre : Evolution
Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?
L’article utilise des méthodes d’analyse de survie appliquées à des données issues d’une analyse phylogénétique de SARS-CoV-2 pour étudier l’efficacité de mesures de contrôle non-pharmaceutiques. Le confinement, suivi de la fermeture des écoles, sont les mesures les plus efficaces. Aucune d’entre elles, prise de façon isolée, n’est susceptible d’interrompre la diffusion épidémique (Rt<1).
Objectifs de l’étude / Questions abordées
- Quel est l’effet de mesures de contrôle non-pharmaceutiques sur la transmission de SARS-CoV-2 à l’échelle de la population?
- Ces mesures sont-elles suffisantes pour contrôler l’épidémie (R_t<1)?
Méthode
L’étude vise à exploiter les informations contenues dans deux bases de données globales:
- Une phylogénie virale reconstruite à partir des génomes disponibles le 4 mai 2020 sur nextstrain, sous-échantillonnés pour corriger les biais d’observation spatio-temporels.
- Un recensement des mesures de contrôle non-pharmaceutiques appliquées dans 57 pays, avec leur chronologie (opéré par le Oxford COVID-19 Covernment Response Tracker). A partir de la phylogénie, les auteurs utilisent la longueur des branches internes comme représentant la durée entre deux événements d’infection. Ayant attribué une localisation géographique à chaque branche, ils comparent la distribution des longueurs de branche avant et après l’entrée en vigueur de mesures de contrôle. Cette analyse est faite en utilisant un modèle à effets mixtes sur les courbes de survie, chaque intervention ayant un effet multiplicatif exp(b_j) sur le paramètre épidémiologique R_t. Des méthodes similaires ont été utilisées pour mesurer des variations dans les taux de spéciation d’espèces macroscopiques (Paradis 1997) Divers biais sont pris en compte et corrigés par des méthodes classiques:
- La corrélation entre l’effet de mesures similaires est contrôlée par une analyse de sensibilité de type leave-one-out.
- La transmission peut varier entre pays, cet effet étant explicitement inclus dans le modèle à effets mixtes.
- La longueur des branches internes varie naturellement en fonction de leur position dans l’arbre (effet de ralentissement de la diversification). Les auteurs ont introduit explicitement l’âge calendaire des branches dans le modèle de régression et n’ont observé que peu d’effets sur les estimations.
Résultats principaux
L’étude démontre que les interventions non-pharmaceutiques ayant eu l’effet le plus fort sont le confinement généralisé de la population (réduction moyenne de R de 35%) et la fermeture des établissements scolaires (réduction moyenne de 26%), d’autres mesures ayant un impact faible (annulation des événements publics ou restriction des mouvements internes). À travers des simulations de modèles de type SIR, les auteurs montrent en outre que la combinaison de plusieurs mesures est nécessaire pour garantir R_t<1. Les résultats de cet article, obtenus à partir d’observations phylogénétiques exclusivement, sont un complément utile aux travaux de Flaxman et al. (Nature 2020), qui étudient l’effet des mesures de contrôle à partir de courbes épidémiques. Par contraste, dans cette dernière étude, seul le confinement généralisé a un effet important sur la réduction de la transmissibilité.
Commentaire/brève évaluation
La méthode utilisée par les auteurs est originale et pourrait certainement être développée pour exploiter l’information phylogénétique de façon optimale. Un certain nombre de limites, pour la plupart pointées par les auteurs, affaiblit les conclusions mais sans les invalider :
- Non-prise en compte de l’incertitude phylogénétique. De même, les effets d’échantillonnage inhomogène ne sont pris en compte que dans la reconstruction de l’arbre, alors qu’ils peuvent potentiellement avoir un effet important sur les longueurs de branches internes (Lemey et al. 2020).
- Un grand nombre de branches (20,8%) ont dû être exclues car on ne peut leur attribuer une localisation, ce qui peut biaiser les résultats.
- L’utilisation de la relation R_t = lambda/mu suppose que 1/mu (temps moyen entre l’infection et le séquençage) est constant tout au long de l’épidémie.
Quelques points faibles
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Cet article semble proposer une analyse formée de plusieurs outils différents mis bout à bouts (reconstruction phylogénétique, reconstruction des pays ancestraux, analyse avec le modèle de survie) mais indépendants les uns des autres, ce qui pourrait conduire à une accumulation d’erreurs. L’approche ne semble pas validée par une étude de simulations. Une telle étude pourrait permettre de mieux connaître les biais et les erreurs potentielles de la méthodologie.
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La méthode prend un arbre fixé comme entrée, et analyse le taux de naissance observé. Mais le modèle utilisé pour reconstruire l’arbre (et en particulier les longueurs de branches) pourrait avoir une influence sur l’étude, ce qui ne semble pas discuté.
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L’utilisation d’un modèle proportionnel pour la déduction de R_t n’est pas très convaincante. Il semble que c’est une habitude qui vient des essais cliniques, mais qui est un peu bizarre dans ce contexte. Evidemment, à R_0 fixé, cela revient plus ou moins au même d’utiliser un modèle additif, mais d’un point de vue modélisation, c’est discutable.
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La méthode semble assez sensible à la reconstruction des pays ancestraux des séquences. Or, celle-ci est faite de manière assez élémentaire, par maximum de vraisemblance. Il existe des méthologies plus complètes, qui prennent en compte des données de flux de voyageurs pour améliorer la reconstruction ancestrale. En particulier, la façon dont une branche qui voit une migration (arrivée et départ dans deux pays différents) est coupée n’est que sommaiement expliquée (p.17), or la longueur des intervalles semble cruciale dans l’analyse de survie faite ensuite. Voir par exemple : Lemey et al. (2020). Accommodating individual travel history, global mobility, and unsampled diversity in phylogeography: a SARS-CoV-2 case study. doi: 10.1101/2020.06.22.165464 (qui propose aussi un moyen de prendre en compte certains biais d’échantillonages).
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L’étude de simulation utilise un modèle plutôt simple (p.12), et semble décorrélée de l’étude phylodynamique menée auparavant. Il existe des modèles plus complexes déjà étudiés, qu’il aurait pu être bon de discuter. (Voir par exemple Sofonea et al. 2020. Epidemiological monitoring and control perspectives: application of a parsimonious modelling framework to the COVID-19 dynamics in France. doi: 10.1101/2020.05.22.20110593)