URL
https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3223
Type d’article
Article peer-reviewed
Thème
Infectiologie
Hydrodynamique, transmission virale par aérosols
Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?
Pour rendre plus réalistes les modèles prédisant les critères de distanciation entre individus censés protéger des infections virales, il faut prendre en compte plusieurs conditions environnementales (ventilation, taux d’occupation, activité des individus, temps d’exposition, port de masque…).
Objectifs de l’étude / Questions abordées
Basée sur des expériences passées de visualisations directes (haute vitesse et haute résolution) de nuages de gouttelettes expulsés par des individus, cette étude vise à évaluer le niveau de risques (de contamination) en s’appuyant sur l’analyse de ces nuages de gouttelettes, notamment leur dispersion et leur potentiel de contamination, dans les différentes conditions environnementales (ventilation, lieu clos, etc.) et comportementales (activités des individus, etc.).
Méthode
Il s’agit d’une approche purement hydrodynamique du problème, qui ne prend pas en compte les spécificités du virus de la Covid-19, mais dont les conclusions générales peuvent s’étendre à tout type de virus ou pathogène transporté par les aérosols expulsés par le nez ou la bouche. L’article fait référence à une étude initiale sur la propagation du streptocoque.
Cette étude sépare les gouttelettes expulsées en « grosses gouttes » (large droplets) supposées pouvoir parcourir 1 à 2 m avant de tomber au sol, et les « petites gouttes » qui s’évaporent rapidement, la longueur de cut-off s’établissant entre 5 et 10 microns. Or ces petites gouttes, susceptibles de contenir aussi une certaine quantité de pathogènes, peuvent être transportées bien plus loin que 2 mètres si les conditions environnementales (humidité, absence de ventilation) et comportementales (voix forte, non-port du masque…) sont réunies. Cette dichotomie apparaît donc assez arbitraire.
L’article cite et agrège les résultats de plusieurs études (références 16 à 23) menées en milieu hospitalier, sur la contamination relative par contact de surface ou par nuages de gouttes (‘airborne contamination’). Mais il souligne aussi l’absence de preuves irréfutables de contamination par aérosols alors que les gouttes analysées l’ont pour la plupart été via leur teneur en ARN viral.
Les pistes de réflexion proposées dans ce manuscrit s’appuient sur des visualisations directes des nuages expulsés, à l’aide de caméras rapides (plusieurs milliers d’images par seconde, et haute résolution). Ces expériences sont extraites de publications de l’auteure principale de l’étude (L. Bourouïba, références 1, 2, 7 et 8) ainsi que d’une étude montrant que la contamination est facilitée en intérieur (ref. 28), où la distance projetée de gouttes peut atteindre 6 à 8 m.
Résultats principaux
Partant du constat que les nuages de gouttes éjectées se propagent à des distances qui dépendent des conditions environnementales et comportementales, l’étude propose un tableau de gradation des risques de contamination dans plusieurs conditions (figure 3). Il s’agit d’un résultat non quantitatif, mais basé sur des tendances issues d’observations directes de nuages de gouttes (durée et distance de persistance des gouttes) et d’études de corrélations de contamination avec différents facteurs.
En résumé, le risque de contamination :
- augmente pour une voix parlée forte ou chantée, et reste faible si chaque individu est silencieux ;
- augmente avec le temps d’exposition à un individu contaminé ;
- augmente avec le taux d’occupation d’un lieu ;
- augmente à l’intérieur par rapport à l’extérieur, et si cet intérieur n’est pas ventilé ;
- diminue avec le port d’un masque pour chaque individu.
Commentaire / brève évaluation, limites, ouvertures possibles
L’un des buts de cette étude est de moduler le critère de distanciation : de 1-2 m à plusieurs mètres, notamment en lieu clos. Cette étude a constitué une base de discussion sur laquelle de nombreux commentaires, parfois critiques, se sont agrégés (https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3223/rapid-responses). Ce travail s’adresse plutôt à un public non-spécialiste et a eu un fort impact en terme de citations et de relai sur les réseaux sociaux. Un article plus technique, mais synthétique, par l’une des auteurs prolonge la réflexion (cf. JAMA. 2020;323(18):1837-1838. doi:10.1001/jama.2020.4756).
D’autres travaux sur le sujet ont récemment été publiés :
Fan Yang et al. Physical Review Fluids (2020) ; M. E. Rosti et al. Nature - Scientific Reports (2020) ; Hongying Li et al. Nature - Scientific Reports (2021) ; Kai Leong Chong et al. Phys. Rev. Lett. (2021).
Enfin, une étude parue un an avant l’épidémie de Covid-19 a mis en évidence l’influence du volume de la voix parlée sur la taille et la concentration des gouttelettes expulsées : Sima Asadi et al. Nature - Scientific Reports | (2019) 9:2348.
Il s’agirait maintenant de faire une synthèse globale de ces études afin d’une part de comparer leurs prédictions, et d’autre part de proposer une distance typique de sécurité entre individus en fonction des différents paramètres environnementaux et comportementaux étudiés ici (sous la forme d’abaques par exemple). Une première tentative de dresser un abaque plus quantitatif (temps d’exposition/distance) a été initiée dans l’article : Fan Yang et al. Physical Review Fluids (2020).