URL
https://aip.scitation.org/doi/10.1063/5.0023940
Type d’article
Article Peer-Reviewed
Thème
Efficacité des masques
Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?
Les auteurs présentent une méthode expérimentale pour recharger électrostatiquement la membrane filtrante d’un masque N95, et recouvrer les propriétés quasi-initiales du masque, avec un dispositif coutant autour de 2000 euros.
Objectifs de l’étude / Questions abordées
L’utilisation massive de masques de protection contre l’épidémie actuelle pose la question de leur durabilité et de leur efficacité dans le temps. En effet, de nombreux masques sont jetés après quelques heures d’utilisation, ce qui pose des problèmes économiques et environnementaux majeurs.
Les masques de protection N95 (équivalents à la norme FFP2 en France) sont requis pour le personnel soignant, en raison de leur protection meilleure que les masques chirurgicaux standards. Ils doivent filtrer plus de 94% des particules de plus de 0.6 microns. Une partie de leur haute performance est due à une membrane de polypropylène, qui se présente sous la forme d’un tissu de fibres enchevêtrées. Cette membrane polymère se situe entre les deux couches textiles classiques, protectrices, visibles de part et d’autre du masque. Alors que les deux couches filtrent les particules et les gouttes de manière mécanique (en jouant sur la non-perméabilité (blocage) de ces couches textiles au delà d’une certaine taille de particules), la membrane polymère chargée filtre les particules plus fines par les forces électrostatiques : les plus petites particules viennent y adhérer.
Cependant, au cours de son utilisation, la membrane de polypropylène perd progressivement sa charge. Au cours de lavages à l’eau, eau savonneuse ou autres solvants, la perte de la charge est accentuée. Cette étude vise d’abord à mesurer la perte de performance après différents lavages, puis à mesurer la charge globale du masque et la comparer à celle d’un masque neuf. Enfin, le masque usagé/lavé est mis en charge, puis ses performances à nouveau mesurées en comparaison avec celles avant recharge.
Méthode
La mesure de la performance est effectuée à l’aide d’un dispositif dérivé de ce qui se pratique dans la caractérisation en milieu industriel. Il s’agit d’un comptage de particules en aval d’un flux d’air chargé en particules de plusieurs tailles. Ces particules sont en fait un aérosol de gouttelettes générées par un nébuliseur, produisant des gouttes de diamètre compris entre 100 nm et 10 microns, soit typiquement la taille de gouttes potentiellement porteuses de virus lors de l’expulsion de vapeur condensée par la voix parlée ou de la toux. L’efficacité du masque est quantifiée par le pourcentage de particules filtrées qui est mesuré par un compteur de particules à la sortie du masque, au travers duquel un flux d’air constant est convoyé.
Les mesures sont effectuées avec plusieurs marques de masques N95, et comparées avec d’autres types de masques, chirurgicaux (efficacité entre 65 et 80%) et FFP3.
Les auteurs mesurent la charge du masque en le plaçant dans une cage de Faraday, elle-même reliée à un électromètre de précision.
La recharge du masque fait quant à elle appel à un générateur à courant continu de haute tension (1 kV). Le masque est pris en sandwich entre deux plaques (électrodes) dont l’une, isolée, assure l’accumulation de charges électriques qui se diffusent dans la membrane de polypropylène du masque.
Enfin, différents protocoles de lavage du masque avant recharge sont étudiés : éthanol, eau bouillante, machine à laver, vapeur chaude, chacun conduisant à une dégradation de la charge plus ou moins importante.
Résultats principaux
Après une charge au contact d’électrodes avec une tension de consigne typique de 1 kV, pendant une durée d’environ 60 minutes, la charge globale de la membrane polymère retrouve une valeur nominale d’environ 8 nanoCoulombs (nC), alors qu’initialement, après lavage, la charge était tombée entre 2 et 3 nC.
Concernant l’efficacité quantifiée par la proportion des particules filtrées, la mise en charge permet de retrouver quasi-intégralement les propriétés et l’efficacité initiales des masques testés, pour tout type de lavage effectué au préalable. Avant recharge, un masque N95 peut voir son efficacité tomber à moins de 75%. Après recharge de 60 minutes, il recouvre une efficacité de 95%.
Commentaire / brève évaluation, limites, ouvertures possibles
Il s’agit d’une étude très prometteuse sur la prolongation de la durée de vie d’un masque N95 et sa réutilisation répétée avec des performances quasiment équivalentes à celles initiales, et très intéressante sur l’identification des mécanismes de ces performances.
On peut se poser la question de l’utilisation d’un tel dispositif de recharge hors d’un laboratoire spécialisé. Néanmoins, moyennant une formation adaptée, il pourrait être installé en milieu hospitalier, ou même dans un centre de recyclage spécifique au matériel de santé. L’utilisation serait relativement simple, et pourrait traiter des dizaines de masques à la fois moyennant une adaptation en taille des électrodes.
Il est à noter que la mesure de l’efficacité d’un masque, rechargé sur une période de 1 jour, a montré une légère rechute de 95 à 90% environ. Cependant, il n’est pas clair si la mesure elle-même a pu contribuer à cette perte de performance, étant donné que le protocole utilisant ce flux d’air continu est susceptible de dégrader le masque et de faire chuter à nouveau la charge.
A noter aussi une étude assez similaire (mais utilisant un dispositif “générateur de van de Graff” à 100 kV), réduisant la durée de charge à quelques minutes : Recharging N95 masks using a van de Graaff generator for safe recycling, K. Sugihara : Soft Matter 17, 10-15 (2021) - https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2021/sm/d0sm02004d/