URL

https://doi.org/10.1101/2021.05.04.21256623

Type d’article

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Thème

Stratégies de contrôle

Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?

Plusieurs vaccins requièrent deux doses, mais si les stocks sont limités, on peut retarder la seconde de façon à vacciner une fois un plus grand nombre de patients au risque de voir le virus développer une résistance chez les primo-vaccinés. Cet article explore le possible compromis entre la minimisation du nombre total d’infections et le risque d’échappement du virus.

Objectifs de l’étude / Questions abordées

Si un vaccin n’est disponible qu’en quantité limitée, on peut retarder la deuxième dose pour permettre de vacciner un plus grand nombre de patients. L’objectif de cette étude est de déterminer quels facteurs entrent en compte pour optimiser l’intervalle entre deux doses, quand le vaccin est disponible en quantité limitée. Deux mesures sont utilisées pour l’évaluation de la stratégie vaccinale : le nombre total d’infectés et le risque d’émergence d’un variant résistant au vaccin.

Méthode

Un modèle SIR standard est utilisé comme base de modélisation. On suppose que les sujets sains reçoivent la première dose à un taux dépendant du temps entre les deux doses. Les primo-vaccinés reçoivent ensuite le rappel (seconde dose). Deux paramètres contrôlent la susceptibilité des primo-vaccinés à l’infection et la transmissibilité du virus de cette catégorie d’individus dans le cas d’une infection. Enfin, on considère le ratio des taux d’échappement du virus chez les infectés primo-vaccinés versus les non-vaccinés. Les sujets ayant reçu le rappel sont considérés comme pleinement immunisés, et les sujets infectés et ayant recouvré ne sont pas vaccinés. Le modèle étendu est formé de six équations différentielles modélisant la dynamique de six variables (sujets sains, infectés, remis, primo-vaccinés sains, pleinement vaccinés et primo-vaccinés infectés). Deux mesures sont comparées : i) la charge d’infection totale, définie comme l’intégrale sur toute la durée de l’épidémie des infections sans ou avec une dose de vaccin, et ii) le risque d’échappement total M, défini comme l’intégrale des infections sans ou avec une dose de vaccin, pondérées par les taux d’échappement correspondants. Il est donc possible qu’un délai dans la seconde dose mène à une réduction de la charge totale, mais augmente le risque d’échappement du virus. L’article se penche sur le compromis entre minimiser la charge totale et le risque d’échappement du virus.

Résultats principaux

Retarder la seconde dose réduit la charge totale si la première dose est assez efficace en terme de protection et de transmission du virus. En considérant divers scénarios, les auteurs montrent qu’il peut effectivement y avoir un compromis, c’est-à-dire que le risque d’échappement du virus peut augmenter. C’est le cas si la première dose ne protège pas contre l’infection, mais réduit la transmissibilité. Ce cas de figure mène à une grande fraction d’infectés par rapport à la charge totale.

Commentaire / brève évaluation, limites, ouvertures possibles

Article clair et concis, méthodologiquement adéquat pour les questions abordées. Une toute petite réserve par rapport au modèle concerne l’implémentation de l’intervalle entre deux doses comme une variable aléatoire exponentielle. Si l’intervalle moyen est long (par ex. 100 jours) il devient difficile de parler d’un intervalle unique entre les deux doses. Le modèle risque de sous-estimer la vitesse d’apparition de résistances puisque certaines résistances apparaîtront chez des patients primo-vaccinés depuis très longtemps.

Si la première dose n’est pas efficace, retarder la seconde dose a des conséquences négatives sur la charge totale (i.e. réduire le nombre total d’infectés sur la durée de l’épidémie) et sur le risque d’échappement du virus. Si la première dose a un effet suffisamment fort, retarder la seconde dose est bénéfique dans les deux cas. Entre ces deux extrêmes, pour certains paramètres d’efficacité de la première dose, retarder la seconde dose permet de réduire la charge totale. Il est à noter que l’échappement du virus concerne l’apparition d’un variant résistant pour un hôte (vacciné ou non) donné, et ne prend pas en compte la transmission de ce variant à la population entière. Si la plupart des patients n’infectent pas d’autres individus (sur-dispersion), le variant a de bonnes chances de disparaître. De plus, il est plausible que le vaccin offre quand même une certaine protection face au variant, et prévienne sa propagation. Mais des mutations additionnelles peuvent augmenter la résistance. L’utilisation de plusieurs vaccins différents peut alors offrir une plus grande couverture d’immunité face aux variants.
Cette étude est qualitative et ne permet pas de faire des recommandations concrètes concernant les protocoles de vaccination. Le modèle met cependant en lumière les paramètres qui entrent en jeu pour décider de la stratégie de traitement afin de limiter le risque d’échappement du virus. Les résultats montrent que retarder la seconde dose afin d’obtenir une couverture vaccinale plus large est justifié si la première dose est suffisamment efficace.