URL
https://doi.org/10.1101/2020.12.04.20244004
Type d’article
Preprint
Thème
Stratégies de contrôle
Que retenir de cet article, en 1-2 phrases ?
Cet article propose un modèle paramétré pour juger de l’efficacité de la stratégie TTIQ (Test-Trace-Isolate-Quarantine) sur la transmission du SARS-CoV-2. Les auteurs montrent que la stratégie TTIQ peut être efficace, même lorsque le taux de reproduction effectif est élevé, et que la proportion de patients symptomatiques isolés est la variable ayant le plus d’impact sur cette efficacité.
Objectifs de l’étude / Questions abordées
L’objectif de l’étude est de modéliser la stratégie TTIQ et de déduire de ce modèle l’impact des variables sur la propagation du SARS-CoV-2.
La stratégie TTIQ consiste à 1/ tester les personnes symptomatiques, 2/ isoler les personnes positives puis à 3/ recenser et 4/ mettre en quarantaine les cas contacts. Lorsque cette stratégie est mise en place, les auteurs proposent, pour chaque personne infectée, appelée index, un modèle probabiliste simple et intuitif pour exprimer le nombre de cas secondaires (personnes infectées par l’index), et le nombre de cas tertiaires (personnes infectées par un cas secondaire) en fonction :
– des cinq variables d’intérêt suivantes : la proportion de personnes positives testées et isolées, le nombre de jours entre l’apparition des symptômes et la mise à l’isolement, le nombre de jours avant l’apparition des symptômes choisi pour définir un cas contact, la proportion de cas contacts pouvant être mis en quarantaine, le nombre de jours entre la mise à l’isolement de l’index et la mise en quarantaine du cas contact,
– et de modèles probabilistes, établis empiriquement dans un preprint de 2020 (Feretti et al, 2020), portant sur le délai séparant la contamination initiale ou, pour les personnes symptomatiques, l’apparition des premiers symptômes et le moment de la transmission du virus.
La stratégie TTIQ agissant à la fois sur l’index et sur les cas secondaires, les auteurs ont choisi d’étudier le nombre de cas tertiaires pour juger de l’efficacité de la stratégie TTIQ.
En considérant plusieurs scénarios, c’est-à-dire plusieurs valeurs du taux de reproduction effectif, les auteurs évaluent donc l’impact des variables sur le nombre de cas tertiaires.
(Taux de reproduction effectif : nombre moyen de nouveaux malades causés par une personne infectée - valeur dépendant de la nature du virus, de la structure des contacts dans la population et des autres mesures pouvant être appliquées en parallèle comme le port du masque ou la distanciation sociale).
Les auteurs fournissent aussi un accès à une application Shiny permettant aux lecteurs de manipuler leur modèle.
Méthode
Les modèles probabilistes, établis dans la littérature pour décrire les délais avant transmission sont paramétriques (loi de Weibull et loi de Student décentrée). Les auteurs reprennent les données de la littérature pour approximer les zones de confiance à 95% de ces paramètres. Puis, dans chaque scénario et pour plusieurs combinaisons des variables d’intérêt, les auteurs exploitent ces zones de confiance et approchent, par la méthode de Monte-Carlo et grâce au modèle décrit dans l’article, les intervalles de confiance à 95% du nombre de cas tertiaires. Ils en déduisent les combinaisons de variables qui permettent d’obtenir un nombre de cas tertiaires inférieur à 1, et ainsi un contrôle de l’épidémie. Finalement, les auteurs utilisent une analyse discriminante linéaire pour classer les variables d’intérêt suivant l’impact qu’elles ont sur le nombre de cas tertiaires.
Résultats principaux
Les auteurs montrent qu’en l’absence d’identification des cas contacts (test et isolement seuls), le contrôle de l’épidémie est possible si la proportion de personnes positives qui sont testées et isolées est suffisamment grande et que le temps écoulé entre l’apparition des symptômes et la mise à l’isolement est inférieur à 2 jours.
Néanmoins, lorsque le R effectif est trop élevé, le contrôle ne peut être possible que si l’isolement est appliqué le jour même de l’apparition des symptômes et si la proportion de personnes isolées est très élevée (de l’ordre de 65% pour un R effectif de 1,5) - conditions irréalisables en pratique.
Lorsque l’identification et la mise en quarantaine des cas contacts sont appliquées, un relâchement de ces contraintes est possible et les auteurs montrent que la stratégie TTIQ a le potentiel pour contrôler l’épidémie, même lorsque le R effectif s’approche de 1,5.
Les auteurs montrent que parmi les cinq variables d’intérêt, la proportion de personnes positives testées et isolées et le nombre de jours entre l’apparition des symptômes et la mise à l’isolement sont celles ayant le plus d’influence sur l’efficacité de la stratégie TTIQ.
Commentaire / brève évaluation, limites, ouvertures possibles
L’article expose clairement la problématique. La modélisation est simple et intuitive. Les points techniques sont détaillés et sans erreur. L’objet de l’article et ses conclusions sont intéressants et servent amplement la compréhension autour de cette stratégie de contrôle.
Les résultats tirés de la littérature et exploités par les auteurs concernant la distribution des délais séparant la contamination initiale (ou le moment d’apparition des symptômes) et la transmission du virus sont peu discutés dans l’article. Les auteurs ne fournissent pas de détails sur les données qu’ils utilisent pour approximer les zones de confiance à 95% des paramètres de ces distributions. Le lecteur peut cependant consulter la littérature en référence mais une description de ces données (constitution, taille des échantillons) utilisées par les auteurs serait utile.
Ouverture possible : le critère retenu pour juger de l’efficacité de la stratégie est le nombre de cas tertiaires. On observe sur les graphiques (les auteurs le mentionnent d’ailleurs) que le nombre de cas tertiaires est toujours inférieur au carré du taux de reproduction effectif. Ils sont même égaux lorsque l’on considère une proportion de personnes positives testées et isolées égale à zéro (pas de mise en place de la TTIQ). Mais le lien entre le nombre de cas tertiaires et le taux de reproduction effectif n’est pas clair. Pour étendre cette étude, on pourrait s’intéresser à l’impact de la stratégie TTIQ sur le taux de reproduction effectif plutôt que sur le nombre de cas tertiaires.